Interview de Laurent Terral, chercheur au laboratoire ville mobilité transport (LVMT)

Mercredi 2 mar 2022 | Actualités | 7 min de lecture

Depuis début 2021 avec le lancement de l’étude d’impact économique de l’écosystème aérien et aéroportuaire, Paris CDG Alliance a noué un partenariat fort avec l’Université Gustave Eiffel, qui se poursuivra en 2022. Nous avons interrogé Laurent Terral, Chercheur au Laboratoire Ville Mobilité Transport (LVMT) de l’Université Gustave Eiffel, sur ce partenariat.

 

Pouvez-vous vous présenter, vous et votre activité ?

Chercheur au Laboratoire Ville Mobilité Transport (LVMT) de l’Université Gustave Eiffel, depuis 2006, mes travaux portent principalement sur les questions de développement territorial. Le développement territorial est un vaste sujet qui intéresse plusieurs disciplines. Pour ma part, je l’aborde avec un regard de géographe économiste, autrement dit en partant du principe que l’analyse empirique des territoires permet d’apporter un certain nombre de réponses. Parmi les nombreux facteurs influençant le développement, il y a toujours un débat à propos de ce que les grands équipements de transport, et l’accessibilité qu’ils procurent derrière, apportent très concrètement aux territoires.  

C’est par cette entrée-là que j’en suis venu à m’intéresser au rôle des aéroports et au maillage aéroportuaire français. J’ai participé, il y a cinq ans, à une mission coordonnée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)1 qui a cherché à produire un diagnostic national afin de mieux comprendre la vocation de chaque plateforme et leur intégration dans les territoires. Dans la foulée, j’ai continué à m’intéresser au sujet en co-encadrant un travail de thèse qui portait sur la problématique des aéroports secondaire en France sur une période longue de 25 ans2. Il est rare de pouvoir disposer d’autant de recul sur l’évolution des aéroports ; c’était tout l’intérêt de ce travail que de repérer et d’expliquer la diversité des trajectoires et de développement possible dans cette catégorie d’aéroports. 

Enfin est arrivée, fin 2020, la proposition de travailler avec Paris CDG Alliance sur un aspect toujours très débattu, celui de l’impact économique des aéroports pour les territoires. 

 

Pouvez-vous témoigner sur le partenariat mené avec Paris CDG Alliance en 2021 ? 

Le partenariat portait sur la production d’une étude cherchant à définir les contours de l’écosystème aéroportuaire francilien et à estimer les emplois, locaux et régionaux, qui en dépendent. Dans la recherche académique, mais aussi dans le monde professionnel, on reproche assez fréquemment à ce genre d’étude l’effet « boîte noire » des méthodes de calcul. On peut facilement imaginer les controverses que ça déclenche ensuite. 

Le souhait de Paris CDG Alliance, avec cette étude, était d’explorer d’autres démarches possibles et nous avons d’emblée été encouragés à proposer de nouvelles façons de faire et d’aborder le sujet. D’un point de vue recherche, c’est évidemment très stimulant d’être poussé à « innover » de la sorte et à sortir des productions plus standardisées. Une telle étude – encore plus quand on ne dispose que d’un an pour la faire – ne peut pas être le travail d’un seul chercheur et l’université ne dispose pas toujours de toutes les ressources nécessaires, en interne. C’est la raison pour laquelle ce projet a demandé l’engagement d’une compétence supplémentaire, Vincent Lasserre-Bigorry, chercheur post-doctorant et expert en ingénierie des données. 

Il est toujours plus confortable de faire avancer une recherche quand son commanditaire est totalement impliqué. Ça a été le cas avec Paris CDG Alliance, avec qui nous avons eu des échanges réguliers tout au long de l’année et qui a systématiquement cherché à nous mettre dans les meilleures conditions (matérielles, contacts sur la plateforme, accès aux données, etc.). Le fait qu’un comité de suivi, composé d’acteurs publics et d’experts sur la plateforme, ait été mis en place a également aidé la progression de notre travail. Cette organisation permettait à intervalle régulier de confronter chaque étape d’avancement et les résultats préliminaires à des professionnels ; et cela nous a parfois amenés à intégrer des remarques et des questions auxquelles nous avions apporté moins d’attention.  

 

Quels ont été les apports de ce partenariat pour l’Université Gustave Eiffel ? 

La recherche universitaire est de plus en plus friande de partenariats extérieurs et d’un rapprochement avec les acteurs des territoires, qu’ils soient collectivités territoriales, institutions ou structures hybrides, entreprises, etc. Derrière cette volonté, il n’y a pas seulement des enjeux de financement de la recherche. 

Ce type de partenariat peut parfois faciliter l’accès à des terrains peu défrichés par la recherche publique, comme les espaces aéroportuaires. Dans ce cas précis, la collaboration avec Paris CDG Alliance donnait surtout l’opportunité de lancer une étude sur une question assez fondamentale et très loin d’être tranchée en socio-économie des transports, celle des retombées économiques des grandes infrastructures. C’est d’abord cet intérêt « scientifique » pour la question qui a motivé le partenariat ; si, en plus de ça, l’étude permet d’éclairer l’action publique et les politiques locales, alors tout le monde y gagne.  

Enfin, un autre intérêt à ce genre de partenariat est de pouvoir accéder à de l’information de première main à laquelle il serait très difficile de prétendre sans le partenariat. C’est une forme de pari, on ne sait généralement qu’après coup s’il est gagnant. En ce qui nous concerne, il a porté ses fruits dans la mesure où le partenariat a effectivement permis de travailler avec des données privées (du Groupe ADP et d’Air France) qui ont permis d’exploiter des voies de recherche assez inédites. Une fois de plus, cela nous donne l’impression que tout le monde y a gagné, l’étude, comme les partenaires. 

 

Quelles sont les perspectives de travail avec Paris CDG Alliance pour 2022 ? 

En recherche, « une année » représente un temps très court, encore plus quand la crise sanitaire vient perturber le déroulement du travail. On espère bien entendu voir se poursuivre le partenariat, sans quoi il y aurait un certain goût d’inachevé. Cette première étude a certes apporté des résultats, mais elle a aussi permis de voir tout ce qu’on pouvait faire de mieux et plus complet encore.  

Une telle recherche, pour être totalement aboutie, aurait certainement besoin d’une année ou deux supplémentaires ; les entretiens menés auprès des acteurs de la plateforme ont été perturbés par la reprise épidémique, au dernier trimestre ; on aurait certainement besoin d’exploiter les informations privées d’autres donneurs d’ordres que le Groupe ADP et Air France pour parfaire notre connaissance de l’écosystème. Tout cela demande du temps. En outre, la crise sanitaire est loin d’être terminée, or si on souhaite établir un bilan définitif, pour l’emploi, de ce qu’elle aura laissé, il faudrait attendre que l’écosystème retrouve un semblant « d’état normal », peut-être en 2023. 

Parmi les autres projets, nous sommes engagés auprès de Paris CDG Alliance dans la réponse à l’appel à manifestation d’intérêts « Compétences et métiers d’avenir « dans l’écosystème aérien et aéroportuaire, dont la réponse est attendue au printemps.  

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